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En Chine, des QR codes sur les logements pour accéder aux données des habitants et au score de leur "crédit social" ?

Publié le 7 octobre 2023 à 18h05, mis à jour le 7 octobre 2023 à 18h42

Source : JT 20h Semaine

Des vidéos relayées en ligne montrent des plaques numérotées agrémentées de QR codes sur des logements chinois.
Il s'agirait, selon certains commentaires, de permettre l'accès aux données personnelles des habitants, y compris le score de leur crédit social.
Des affirmations trompeuses, puisqu'il s'agit avant tout de régler des questions logistiques.

Des images circulent sur les réseaux sociaux avec ce commentaire : "La Chine a installé des QR codes sur les maisons des citoyens afin d'obtenir un accès instantané aux données personnelles des personnes vivant dans le pays, y compris leur score de crédit social"

Sur une vidéo, qui ressemble au reportage d'une télévision chinoise, on observe l'installation de plaques métalliques, semblables à celles que l'on croise partout dans le monde pour indiquer le numéro des logements. À ceci près qu'à côté des chiffres, figure un QR code. Attention toutefois : il ne s'agit pas ici d'un nouvel outil de surveillance des populations.

Des confusions régulières entre les logements

À quoi servent ces QR codes ? Sont-ils massivement utilisés ? Pour le savoir, TF1info a contacté Jean-Louis Rocca, professeur à Science Po et chercheur au Centre d'études et de recherches internationales (CERI). Spécialiste de la Chine, il note en préambule que "ces QR codes à l'entrée des logements n'ont rien de nouveau". Leur utilisation a débuté "avant la pandémie", dans une série de provinces et de villes à travers la Chine continentale.

Les articles et reportages qui évoquent ces initiatives, poursuit-il, expliquent avant tout que "cela sert à résoudre les problèmes d'adresses". Dans les médias chinois, on retrouve la trace des premiers QR codes dès 2019, utilisés pour obtenir "une compilation d'adresses standardisées et un codage unifié". Le bénéfice pour les habitants et les administrations est également mis en avant : il est ainsi possible de résoudre "le problème des adresses de maison en double, erronées et manquantes". De quoi faciliter notamment la tâche des livreurs, selon Jean-Louis Rocca. "La France, à côté de la Chine, c’est de la rigolade", lance-t-il, "on se fait tout livrer là-bas."

Pour le reste, glisse l'expert, l'idée derrière ces QR code consiste surtout à fournir des informations pratiques. "Le nom des responsables de la police locale, des pompiers, mais aussi des gens qui sont en charge de l'administration du quartier." Les articles de presse insistaient dès 2019 sur le fait que ces outils ne se révéleraient pas intrusifs pour la population. "Les informations scannées via le QR code sont publiques et ne concernent pas la vie privée des résidents", pouvait-on lire. Des sites gouvernementaux, soulignant que ces questions de confidentialité "préoccupent les citoyens", confirment que les codes scannés ne dévoilent pas de données personnelles. 

Le système de crédit social chinois, un objet de fantasmes

Jean-Louis Rocca l'assure : il n'a trouvé nulle part la mention d'éléments relatifs au crédit social des habitants, en marge de l'installation de ces QR codes. Ce crédit social, souvent présenté de manière trompeuse dans les médias occidentaux, viserait à attribuer à chaque citoyen chinois un score en fonction de son niveau de civisme et d'obéissance, mais n'a jamais été instauré de manière uniforme. Si de multiples expérimentations ont été menées, elles ont le plus souvent été jugées "peu concluantes" comme le note l'expert. 

Outre le fait qu'aucun système centralisé de ce type ne soit mis en place en Chine, on observe plutôt des outils visant à valoriser les bons comportements, via l'octroi de différents avantages. Que ce soit au niveau de l'administration ou des entreprises. "On perd des points en cas de sanctions appliquées par une institution publique : amendes, non-paiement des factures", expliquait avec clarté Jean-Louis Rocca voilà quelques années. 

Mais dans le même temps, on "obtient facilement des points en faisant de bonnes actions : aide à sa famille, acte héroïque, dons à des institutions charitables, participation à des actions civiques". La contrepartie ? Pouvoir "emprunter des vélos sans verser de caution, obtenir une diminution du montant de ses factures de gaz ou d’électricité ou jouir de meilleures conditions d’emprunt". Surtout, l’objectif n’est pas de "contrôler" la population et surtout pas de dénicher des 'dissidents', qui peuvent être connus par d’autres moyens plus classiques, mais d’améliorer la qualité de la population, rendre la vie plus harmonieuse et fournir des modèles à la population."

Si la Chine dispose d'outils de visant aux contrôles des populations et se trouve régulièrement épinglée pour ses entraves aux droits de l'Homme, il ne faudrait pas, selon le chercheur voir dans les mises en place de divers "crédits sociaux" des instruments répressifs. De la même manière, expliquer que les QR codes apposés sur les logements sont liés à ce système de crédit social se révèle trompeur.

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Thomas DESZPOT

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